Écrit le 13/09/19

Les biens d’une succession sont, par principe, administrés par les héritiers. 

Toutefois, en cas de difficultés entre les héritiers, notamment lorsque ces derniers ne parviennent pas à s’entendre par exemple sur le partage des biens, la situation peut aboutir à un blocage de la succession. 

Les héritiers du défunt ne sont pas, dans cette hypothèse, sans recours puisqu'ils peuvent, sous certaines conditions, soit confier l’administration de la succession à l’un d’entre eux, ou à un tiers par convention, soit demander judiciairement la désignation d’un mandataire successoral (article 813-1 du Code civil).   

C'est cette dernière possibilité que nous examinerons ci-après.

1. Les conditions du mandat successoral judiciaire :

a) Les conditions de fond :

L’article 813-1 du Code civil ouvre la faculté de demander en justice la désignation d’un mandataire successoral dans les cas suivants :

  • Inertie, carence ou faute d'un ou de plusieurs héritiers dans l'administration de la succession, mésentente entre les héritiers, opposition d'intérêts entre les héritiers (par exemple : lorsqu'un héritier mineur a pour tuteur un créancier de la succession) ;
  • Complexité de la situation successorale ;

Au surplus, lorsqu'au moins un héritier a accepté la succession à concurrence de l'actif net (actif - passif de la succession), la désignation d'un mandataire par convention n'est plus possible et le mandat est nécessairement judiciaire (article 813 du Code civil).

Dans ce cas, l'héritier qui a accepté la succession à concurrence de l'actif net peut demander au juge la désignation d’un mandataire judiciaire pour administrer et liquider la succession (articles 814-1 du Code civil et 1379 du Code de procédure civile).

Le juge peut désigner comme mandataire successoral toute personne qualifiée, physique ou morale. Il peut s’agir d’un héritier ou d’un tiers. Le mandataire désigné peut également être un avocat ou tout autre professionnel qualifié. C’est le juge qui tranchera, selon la complexité de la situation, le niveau de compétence requis pour accomplir cette tâche.

b) Les modalités de la procédure

La demande peut être formée par un héritier, un créancier, toute personne qui assurait, pour le compte de la personne décédée, l'administration de tout ou partie de son patrimoine de son vivant, toute autre personne intéressée ou par le ministère public (article 813-1 al. 2 du Code civil).

La demande en désignation d’un mandataire successoral est portée devant le Président du Tribunal de Grande Instance du lieu d'ouverture de la succession ou son délégué, qui statue en la forme des référés en cas de situation de difficultés (article 1380 du Code de procédure civile), et en la forme prévue pour les ordonnances sur requête, lorsque la demande émane de l’héritier qui a accepté la succession à concurrence de l’actif net (article 1379 du Code de procédure civile).

La décision de nomination est enregistrée sur le registre tenu au greffe du Tribunal de Grande Instance à l'effet de recevoir les déclarations d'acceptation à concurrence de l'actif net (article 1334 du Code de procédure civile).

La décision de nomination fait également l'objet, à la requête du mandataire, d'une publicité au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc). 

2. La mission du mandataire successoral

a) Les droits et devoirs du mandataire successoral

Le mandataire successoral est chargé de l’administration provisoire de la succession. 

Dans la limite des pouvoirs qui lui sont conférés, le mandataire successoral représente l'ensemble des héritiers pour les actes de la vie civile et en justice (article 813-5 du Code civil). 

Tant qu'aucun héritier n'a accepté la succession, le mandataire successoral ne peut accomplir que les actes purement conservatoires (paiement des frais funéraires, des dettes successorales ou recouvrement des fruits et revenus de la succession) ou de surveillance (afin d’éviter l’aggravation des dettes) et les actes d'administration provisoire qui peuvent être accomplis sans emporter acceptation de la succession (article 813-4 du Code civil).

Lorsque la succession a été acceptée par au moins un héritier, soit purement et simplement, soit à concurrence de l'actif net, le juge qui désigne le mandataire successoral peut l'autoriser à effectuer l'ensemble des actes d'administration de la succession. À tout moment, il peut aussi l'autoriser à réaliser certains actes de disposition nécessaires à la bonne administration de la succession et à en déterminer les prix et stipulations (article 814 du Code civil).

Le mandataire successoral est tenu aux obligations qui incombent à tout mandataire (loyauté, diligence). Il doit également rendre compte de son action aux héritiers et au juge. Enfin, chaque héritier peut exiger du mandataire la consultation des documents relatifs à l'exécution de sa mission (article 813-8 du Code civil).

Le mandataire successoral peut être rémunéré à ce titre, auquel cas, la rémunération est fixée par le juge dans la décision ordonnant sa désignation. La rémunération n'est pas déductible pour le calcul des droits de succession. 

b) La fin du mandat successoral

La durée du mandat successoral est fixée par le juge dans sa décision. La mission du mandataire cesse de plein droit par l'arrivée du terme fixé par le juge (sauf prorogation).

La mission du mandataire successoral cesse également de plein droit par l'effet d'une convention d'indivision entre les héritiers ou par la signature de l'acte de partage (article 813-9 du Code civil).

Dans ce cas, tous les héritiers doivent intervenir à la convention, quelle que soit la nature de leurs droits ; il a en effet été récemment jugé que la convention d'indivision signée par une seule personne, tant en son nom personnel qu'en celui des enfants mineurs dont elle assure l'administration des biens, malgré l'existence d'un conflit d'intérêts, ne met pas fin à la mission du mandataire successoral judiciaire (Cass. 1e civ. 25-10-2017 n° 16-25.525 F-PB).

La mission du mandataire cesse enfin sur décision du juge qui constate l'exécution complète de la mission confiée au mandataire successoral (par exemple, si la succession a été entièrement réglée alors que la durée prévue pour le mandat n'est pas expirée).

Par ailleurs, à la demande de toute personne intéressée ou du ministère public, le juge peut dessaisir le mandataire successoral de sa mission en cas de manquement caractérisé dans l'exercice de celle-ci. Il désigne alors un autre mandataire successoral, pour une durée qu'il définit (article 813-7 du Code civil).

Conclusion

La désignation d'un mandataire successoral, lorsqu'il existe une difficulté entre héritiers sur l'administration de la succession, apparaît, le temps de son règlement, comme une solution efficace pour remédier à cette situation. 

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