Écrit le 29/07/19

Depuis l’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est plafonnée.

En effet, le salarié qui subit un licenciement abusif ne peut percevoir qu’une indemnité maximale fixée dans un tableau figurant à l’article L. 1235-3 du Code du travail.

Cette indemnité est exprimée en mois de salaire brut et évolue en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et du nombre de salariés dans l’entreprise.

La question de la conformité de ce barème avec le principe de réparation du préjudice adéquat instauré par certains traités internationaux a créé une insécurité jurisprudentielle à laquelle la Cour de Cassation a apporté une réponse confortant la légalité dudit barème.

1. Les doutes jurisprudentiels sur la légalité du barème d’indemnisation de la loi Macron

a) Le principe de légalité applicable en droit du travail

En vertu du principe de légalité, chaque norme juridique doit se conformer à l’ensemble des règles en vigueur ayant une force supérieure dans la hiérarchie des normes, ou du moins être compatible avec ces normes.

Or, l’article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958 indique que :

« Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois. »

Depuis fort longtemps, la cour de cassation s’est reconnue compétente pour procéder à un contrôle de conventionnalité des lois (Ch mixte 24 mai 1975 Jacques Fabres).

Ce contrôle peut donc conduire, lors de l’examen d’un litige, à écarter la loi française pour faire prévaloir la convention internationale dans la résolution du litige.

Tel a été le cas devant le juge prud’homal, à l’égard du Contrat Nouvelle Embauche jugé contraire à la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) (CPH LONGJUMEAU, 28 avril 2006 n°06/00316, CA PARIS 6 juillet 2007 n° 06/06992).

La Cour de cassation a établi que la convention n°158 était directement applicable et a souligné la nécessité de garantir qu’il soit donné pleinement effet aux dispositions de cette convention (Cass. Soc. 1er juillet 2008 n°07-44124).

Plus récemment, certains salariés ont également tenté de se prévaloir de l’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 pour contourner le barème d’indemnisation de la loi Macron. Cet article précise qu’:

En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître : (…)

b) Le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une réparation appropriée.

b) L’argument tiré de la réparation appropriée du préjudice

En application de ces textes internationaux, certains Conseils de prud’hommes ont remis en cause le plafonnement de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et ont indemnisé les salariés à hauteur du préjudice réel qu’ils avaient constaté (ex : CPH Troyes 13-12-2018, n° 18/00036 ; CPH Lyon 21-122018, n° 18/01238 ; CPH Montpellier 17-5-2019, n° 18/00152).

Ces juridictions ont considéré que le barème de la loi Macron est à la fois contraire :

-       à l’article 10 de la convention 158 de l’OIT qui exige que l’indemnité versée soit en adéquation avec le préjudice subi ou prendre toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ;

-       à l’article 24 de la Charte sociale européenne, qui consacre le droit des salariés licenciés à percevoir une réparation appropriée.

La Cour de cassation saisie pour avis par d’autres Conseils des Prud’hommes plus dubitatifs devait trancher la question de fond visant à savoir si le plafonnement des indemnités permettait de réparer le préjudice lié à la perte d’emploi de manière suffisante et à travers l’allocation d’une indemnité adéquate.

Il est rappelé qu’avant l’instauration de ce barème légal, les juridictions appréciaient de façon large le préjudice subi par le salarié en appliquant le principe de la réparation du préjudice prévisible visé à l’article 1231-3 du code civil :

Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat.

2. La validation du barème d’indemnisation de la loi MACRON

a) La portée de l’avis rendu par la Cour de Cassation

Dans son avis du 17 juillet 2019, la Cour de cassation, a considéré que les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée ne sont pas d’effet direct en droit interne et ne peuvent être appliquées à un salarié.

Par ailleurs, les dispositions précitées de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.

La Cour de cassation a en effet considéré que le terme d’indemnité « adéquate » visé par cette convention doit être compris comme réservant aux Etats signataires de la Convention une marge d’appréciation. En l’occurrence, le droit français permet au juge, si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, de proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Ce n’est que si la réintégration est refusée par l’une ou l’autre des parties que le juge octroie au salarié une indemnité dans les limites fixées par l’article L 1235-3 du même Code du Travail.

b) Les autres préjudices réparables du salarié

Par exception, le barème d’indemnisation de l’article 1235-3 ne s'applique pas si les juges constatent que le licenciement du salarié est nul en raison d’un harcèlement moral ou sexuel, d’une discrimination ou d’une atteinte aux libertés fondamentales du salarié (exemple : le droit de grève, l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur etc). Dans ces conditions, les conseillers prud'homaux sont libres de réparer le licenciement abusif sans qu’aucun plafond légal ne soit applicable.

Les salariés pourront ainsi se prévaloir de la nullité du licenciement pour échapper au plafonnement instauré par l’ordonnance n°2017-1387. Ils peuvent par ailleurs obtenir une réparation supérieure en se fondant sur d’autres chefs de préjudice que la simple rupture de leur contrat de travail (exécution déloyale du contrat de travail, comportement fautif de l’employeur, manquement de l’employeur à son obligation de prévention des risques psychosociaux etc).

Si le débat jurisprudentiel n’est pas encore tranché, la tendance actuelle qui oblige les salariés à apporter la preuve de leur préjudice indemnisable va certainement s’accentuer, dans les mois et les années à venir, ainsi que les contestations de licenciement s'appuyant sur des faits de harcèlements, afin de contourner le plafonnement du barème Macron.

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